
Perspectives des catalyseurs : comment l’art peut nous parler de Dieu, du monde et de nous-mêmes
Dans cet article de Perspectives des catalyseurs, le professeur d’architecture Marcio Lima explique comment l’art peut contribuer à révéler les mystères de Dieu, de la condition humaine et du sens de celle-ci. Il explique également comment son projet de l’ILC formera des étudiants chrétiens au Brésil à devenir des agents du royaume de Dieu par le biais de leurs recherches et de leur production artistique.
<< Mais avant même d’apprendre à lire, je me souviens d’avoir été animé d’un sentiment de dévotion pour la première fois à l’âge de huit ans. Ma mère m’a emmené seul à la messe … un lundi avant Pâques. C’était une belle journée, et je me souviens aujourd’hui, comme si je le voyais maintenant, de comment l’encens s’élevait de l’encensoir et flottait doucement vers le haut et, au-dessus de la coupole, se mêlait en vagues ascendantes à la lumière du soleil qui entrait par la petite fenêtre. J’étais ému par ce spectacle et pour la première fois de ma vie, je recevais consciemment dans mon cœur la semence de la parole de Dieu. >>
— Père Zossima dans Les Frères Karamázov, Fyodor Dostoevsky (1880)
Les arts peuvent-ils révéler d’une manière singulière quelque chose sur Dieu, sur le monde ou sur nous-mêmes ? C’est une question qui m’interpelle depuis un certain temps. Il me semble que l’auteur russe Dostoïevski répond affirmativement à cette question. L’extrait ci-dessus est une phrase du Père Zóssima, un personnage qui est un guide spirituel dans le livre de Dostoïevski Les Frères Karamázov. La citation montre comment l’architecture, la lumière et la danse de la fumée d’encens s’élevant vers le dôme de l’église sont significatives dans l’expérience religieuse du personnage.
Je partage l’avis de Dostoïevski selon lequel les arts peuvent contribuer à l’élargissement de notre connaissance du monde et de Dieu, pas nécessairement par des moyens cognitifs, mais par des moyens affectifs (émotionnels).
C’est pourquoi j’ai proposé un projet pour l’initiative Logos et Cosmos qui explore la relation entre l’art et la théologie. Je comprends l’art comme une manifestation profonde de l’existence. Il peut nous parler du monde d’une manière plus intense et peut fonctionner comme un instrument de connaissance. L’art peut rendre tangibles – à travers la matière – les attributs les plus élevés de l’esprit humain. En un sens, l’art montre aux êtres humains ce que cela signifie d’être pleinement humain.

Mon projet consiste à développer un programme de recherche en théologie et en arts pour les étudiants d’ABUB Brésil, mon mouvement national IFES. Le programme comprend une formation, un mentorat et un soutien à la recherche. Il comprendra un cours de base axé sur la relation entre les arts et le motif chrétien fondamental de la création, de la chute, de la rédemption et de la restauration. Après le cours, nous aurons un programme de mentorat pour que les étudiants développent un projet de recherche lié aux arts, à l’architecture et à la théologie. Les projets de recherche de certains étudiants pourront également inclure la production d’œuvres artistiques.

En attendant, dans le cadre de mon projet, j’ai récemment eu l’occasion de mener un atelier pour le congrès national de l’ABUB, où les étudiants ont exploré le thème de l’art, la justice et le royaume de Dieu.
L’ensemble de mon projet ILC est rattaché à la formation que j’ai reçue au sein de la communauté d’étudiants de l’IFES.
Depuis que j’étais étudiant à l’université, cette formation m’a poussé à essayer de faire le rapprochement entre ma foi et ma formation universitaire en architecture. Lorsque j’ai compris qu’être chrétien a un impact sur tous les domaines de la vie, j’ai cherché à développer des corrélations théologiques et pratiques entre ma foi, ma vision du monde et ma discipline.
Pendant mon master, par exemple, j’ai choisi un sujet qui me permettait de discuter de l’architecture d’un point de vue humain et transcendant, en cherchant des points de contact entre ces deux sujets. Lorsque l’on m’a présenté l’initiative Logos et Cosmos, j’ai vu l’opportunité de développer davantage cette relation et de me connecter à une communauté de chercheurs qui ont également cet engagement envers leurs disciplines. C’était une occasion de poursuivre la formation que j’avais reçue en tant qu’étudiant, où j’avais déjà appris comment nos vies ne devraient pas être dichotomiques, mais intégrées par la connaissance et la réalité de Dieu.
Cependant, tout cela contrastait fortement avec mon éducation chrétienne dans une église évangélique pentecôtiste. J’ai grandi dans un environnement où on nous présentait un évangile dans lequel la vie séculaire (ou matérielle) et la vie spirituelle étaient séparées et n’avaient pas besoin d’être reliées. C’était une vision dualiste, plus platonicienne que chrétienne, entre le monde matériel et le monde spirituel, entre le corps et l’âme. Bien qu’il n’y ait pas d’opposition à la science ou aux études universitaires, ces domaines étaient traités comme des aspects séculiers de la vie qui n’avaient presque rien à voir avec la vie spirituelle.
Au sein de l’initiative Logos et Cosmos, mes collègues catalyseurs et moi-même développons une mentalité tout à fait opposée : la compréhension selon laquelle il n’y a pas de vie séculaire et de vie religieuse.
La réalité de Dieu imprègne le cosmos tout entier, toute notre vie dans ses diverses manifestations. Nous sommes des êtres intégraux. Ce qui nous fragmente c’est le péché, provoquant une vision dualiste qui a nui à la manière dont les chrétiens se rapprochent, ou même n’arrivent pas à se rapprocher, de la science et de l’université.
Cette vision intégrale rejette même une lecture purement rationaliste de l’être humain. Lorsque nous considérons l’intégralité de l’être humain, qui, dans une vision augustinienne, déplace le centre de gravité de l’identité humaine du cerveau vers la Kardia (le mot grec pour le cœur et les tripes – le siège de nos émotions), nous reconnaissons l’importance des arts dans ce processus de compréhension de la réalité. La capacité de l’art à perturber le schéma de la réalité nous révèle davantage le mystère de la condition humaine, ainsi que son sens.
Cette compréhension intégrale de l’être humain, à laquelle la foi chrétienne fait référence, éclaire mon travail d’architecte et d’universitaire.
Tout d’abord, je souligne les injustices sociales, au Brésil et aussi en Amérique latine, où nous voyons un grand nombre de personnes sans abri ou vivant dans des logements insalubres, sans santé ni stabilité structurelle. Dans ce sens, mon travail se concentre sur la mobilisation et la sensibilisation des étudiants sur la nécessité de s’impliquer dans des projets de logements sociaux, dans l’amélioration des zones dégradées, et dans la fourniture d’espaces décents pour l’existence humaine, non seulement en termes de structure et d’assainissement mais aussi d’un point de vue existentiel et humain.
Le deuxième aspect, auquel je me suis consacré davantage ces dernières années, est ave de comprendre l’architecture et les arts comme une manifestation de ce qu’est l’être humain dans toute sa profondeur. Notre objectif est de comprendre comment l’existence et l’essence de l’être humain se manifestent à travers les langages artistiques et comment ils peuvent être des moyens privilégiés pour comprendre le mystère de la vie.

Il est donc de notre devoir, en tant que chercheurs chrétiens, de rechercher ces interfaces et de montrer que la vision chrétienne du monde a beaucoup à apporter au monde, comme le développement d’une anthropologie plus large de l’être humain. Nous sommes défiés à considérer notre travail de chercheurs comme faisant partie de l’action de Dieu pour le renouvellement du monde, en tant qu’agents du Royaume de Dieu.
L’objectif de mon projet LCI est de permettre aux étudiants de comprendre comment les arts font partie de nos vies et comment les arts peuvent refléter ce à quoi ressemblent des relations restaurées, à la fois avec Dieu, avec la création et entre les humains. Les arts font partie de notre réalité en tant qu’êtres humains composés de corps, d’âme, de raison et d’émotion.
Enfin, mon espoir et ma prière sont que ce projet contribue à la formation d’étudiants qui sont des artistes. Le but de mon projet n’est pas que ces artistes chrétiens ne fassent de l’art qu’un thème chrétien pour nourrir leur foi, mais que – avant tout – ils comprennent leur rôle d’artistes qui ont la foi et qui produisent de l’art pour le bien du monde. Pas une production créée comme une sous-culture ou une enclave, mais un art créé pour la vie du monde. Comme le dit le philosophe chrétien James K. Smith1 :
<< …non pas un art qui ne fait qu’augmenter la piété, mais un art dont l’infusion de foi invite un monde plus large à imaginer pourquoi il est possible de croire – un art qui invite tous les êtres humains à se confronter aux tourbillons de faim et de désir que nous appelons ‘âme’ (…) Je suis fasciné et inspiré par ces écrivains et sculpteurs dont l’imagination possédée par Dieu crée des œuvres qui captent à la fois leurs voisins et leurs compagnons de pèlerinage. >>
— James K. Smith
Ceux d’entre nous qui sont artistes, architectes et écrivains sont invités à donner raison de l’espérance qui est en nous (1 Pierre 3 :15), d’une manière imaginative, créative et poétique. C’est notre défi !
Marcio Lima est professeur d’architecture et d’urbanisme. Il prépare également un doctorat en architecture religieuse moderne à l’université de São Paulo au Brésil.. Il est impliqué dans ABUB Brésil depuis 10 ans, d’abord en tant qu’étudiant et maintenant en tant que membre du personnel bénévole.
Pour en savoir plus :
- Suivez l’évolution du projet de Marcio sur son blog
- Lisez un résumé du projet de Marcio sur nos pages webs des projets
- Visionnez une vidéo de 2 minutes où Marcio parle de son projet (vidéo en espagnol mais vous trouverez sa transcription en français)
- Écoutez le récent podcast Voices of IFES dans lequel Marcio a été interviewé sur son projet et son expérience en tant que catalyseur (la vidéo et l’audio sont en espagnol mais vous trouverez sa transcription en français ci-dessous)
LES NOTES DE FIN DE PAGE
1Smith, James K. “For the Good of the World” on Monergismo.com